Exercer en Maison de Santé Pluriprofessionnelle en tant que kiné : ce que change le PLFSS 2026
PLFSS 2026, maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP)… En quelques années, ces sigles sont devenus le quotidien de votre exercice libéral. Derrière eux se joue pourtant quelque chose de très concret : la façon dont vous allez pouvoir exercer votre métier de kinésithérapeute libéral dans les années qui viennent. Notamment si vous travaillez ou envisagez de travailler en maison de santé pluriprofessionnelle. Alors que le PLFSS 2026 est en cours de discussion au Parlement et que les MSP sont au cœur du futur réseau « France Santé », il est utile de prendre un temps de recul : qu’est-ce qu’exercer en MSP change réellement pour un kiné ? Et en quoi l’enchaînement PLFSS 2025 / PLFSS 2026 rebat-il (ou non) les cartes ?
PLFSS 2026 et MSP : un cadre de plus en plus structurant
Le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) fixe chaque année les grandes enveloppes de dépenses de santé (ONDAM) ainsi que des mesures d’organisation du système de soins. L’annexe 5 du PLFSS 2026, présentée le 14 octobre 2025, confirme une progression modérée des dépenses de santé et insiste sur la recherche d’efficience dans l’ambulatoire.
Plusieurs dispositions débattues autour du PLFSS 2026 concernent directement l’environnement des MSP :
- Un réseau « France Santé » visant à structurer une offre de soins de proximité autour de lieux labellisés capables d’assurer une prise en charge rapide, avec un objectif de 5 000 « maisons France Santé » d’ici 2027.
- La volonté de mieux utiliser les structures d’exercice coordonné. (MSP, centres de santé, CPTS) comme leviers de coordination, de prévention et d’accès aux soins non programmés.
Parallèlement, un sous-amendement au PLFSS 2026 adopté à l’Assemblée nationale prévoit que les accords conventionnels relatifs aux MSP soient signés par les seules organisations représentatives des MSP au niveau national. Cela est interprété comme une reconnaissance particulière d’AVECsanté, réseau d’équipes de soins primaires.
Plusieurs syndicats de libéraux de santé (dont la FFMKR via l’intersyndicale Libéraux de Santé) contestent ce dispositif, estimant qu’il écarte les syndicats professionnels des négociations ACI-MSP et modifie l’équilibre conventionnel.
Ainsi, le PLFSS 2026 renforce le rôle des MSP dans la politique de santé. Tout en reconfigurant la gouvernance conventionnelle de ces structures.
Ce que recouvre concrètement l’exercice en MSP à l’heure du PLFSS 2026 pour un kiné
Les cahiers des charges régionaux des MSP (publiés par les ARS et régulièrement mis à jour jusqu’en 2025) décrivent de manière assez homogène ce que doit être une maison de santé pluriprofessionnelle.
Une MSP repose en général sur :
- Une équipe pluriprofessionnelle structurée, associant médecins généralistes, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pharmaciens et autres auxiliaires médicaux.
- Un projet de santé formalisé, validé par l’ARS. Il décrit les priorités du territoire (maladies chroniques, vieillissement, santé de l’enfant, santé mentale, prévention des chutes, etc.).
- Un ancrage territorial. La MSP est conçue comme une réponse locale aux difficultés d’accès aux soins, notamment dans les zones sous-denses.
- Une structure juridique, le plus souvent une SISA (Société interprofessionnelle de soins ambulatoires), permettant de percevoir et de répartir les forfaits ACI MSP entre associés.
- Un système d’information partagé conforme aux exigences de sécurité et d’interopérabilité (Mon Espace Santé, DMP, messagerie sécurisée).
Pour un kinésithérapeute, exercer dans ce cadre implique notamment :
- Une participation au projet de santé de la MSP, avec un rôle explicite dans certains parcours (lombalgie, rééducation post-opératoire, obésité de l’enfant, prévention des chutes, etc.).
- Une coordination plus formalisée avec les autres professionnels : réunions de concertation, protocoles de prise en charge, procédures de réorientation.
- Une part de rémunération complémentaire aux actes, issue des forfaits ACI, conditionnée au respect d’indicateurs (organisation, accès, prévention, parcours coordonnés).
Les travaux de la DREES montrent, du côté des médecins généralistes, que l’exercice en MSP est associé à une plus grande disponibilité pour les patients, notamment en termes de délais de rendez-vous et d’organisation de la réponse aux demandes. Plusieurs analyses de l’IRDES et d’équipes régionales (FEMASIF, Fécop, AVECsanté) suggèrent que les MSP peuvent contribuer à améliorer l’accès aux soins de premier recours dans les territoires sous-dotés, même si les effets varient selon le contexte local.
PLFSS 2026, ACI-MSP et gouvernance : un impact direct sur la place du kiné
Les forfaits ACI MSP constituent un volet important de la rémunération de l’équipe, en complément des actes individuels. Ils rémunèrent, par exemple, :
- L’organisation de l’accueil et des soins non programmés.
- La mise en œuvre de parcours pluriprofessionnels pour certaines pathologies.
- Des actions de prévention (dépistage, éducation thérapeutique, promotion de l’activité physique).
Le sous-amendement au PLFSS 2026 sur l’ACI-MSP prévoit que les organisations représentatives des MSP au niveau national, signent désormais l’accord, remplaçant ainsi les syndicats professionnels de chaque profession de santé dans ce rôle.
Les organisations de libéraux de santé y voient une évolution de la représentativité conventionnelle :
- Elles soulignent que les acteurs présents dans la MSP (dont les kinésithérapeutes) seraient représentés par une structure (AVECsanté) et non par leurs syndicats habituels.
- Elles craignent que certains arbitrages sur les indicateurs et la répartition des financements ACI se décident désormais à l’échelle des structures, avec une place moindre pour les professions individuellement.
Dans ce contexte, lorsqu’un kiné exerce en MSP, la gouvernance interne de la SISA ou de l’association porteuse structure directement son quotidien. Ce sont ces instances qui répartissent les forfaits, décident des financements de postes (coordination, secrétariat, référents qualité) et définissent la manière dont l’équipe répond aux objectifs fixés par l’ACI. En second lieu, par le PLFSS 2026.
Accès direct, CPTS et réseau « France Santé » : une nouvelle organisation des parcours dans le cadre du PLFSS 2026
Le PLFSS 2026 s’inscrit dans la continuité de plusieurs textes récents qui renforcent l’exercice coordonné et expérimentent de nouvelles modalités d’accès aux soins.
L’expérimentation de l’accès direct aux kinés
Le décret n° 2024-618 du 27 juin 2024 et l’arrêté du 6 juin 2025 ont ouvert une expérimentation de cinq ans permettant aux masseurs-kinésithérapeutes participant à une CPTS d’exercer sans prescription médicale dans une liste de départements.
Les modalités principales sont les suivantes :
- Le patient peut consulter un kinésithérapeute sans prescription, dans le cadre défini par la CPTS.
- En l’absence de diagnostic médical préalable, le nombre de séances est limité à huit par patient.
- Le kinésithérapeute peut à tout moment réorienter le patient vers un médecin ou les urgences si cela lui paraît nécessaire.
Les ARS (par exemple l’ARS Occitanie en octobre 2025) rappellent que cette expérimentation concerne les kinés inscrits dans une CPTS et que les structures de type MSP peuvent y participer si elles s’intègrent à cette organisation territoriale.
Pour un kiné exerçant en MSP adossée à une CPTS, l’accès direct s’insère donc dans une logique de parcours coordonné, avec des protocoles définis à l’échelle de la communauté territoriale.
Vers le réseau « France Santé » et la transformation des CPTS
Un amendement au PLFSS 2026 décrit le projet de réseau France Santé, visant à garantir une offre de soins à proximité, autour de structures identifiées capables d’assurer une prise en charge dans les 48 heures lorsque l’état de santé du patient le nécessite.
Certains commentaires spécialisés soulignent que ce réseau pourrait impliquer :
- La labellisation de MSP existantes comme « maisons France Santé ».
- Une évolution des CPTS vers des « Communautés France Santé », avec un pilotage plus unifié à l’échelle du territoire.
Dans cette perspective, une MSP apparaît comme l’un des lieux possibles de mise en œuvre concrète des objectifs portés par le PLFSS 2026. Accès aux soins non programmés, articulation avec les hôpitaux, actions de prévention, organisation des parcours de patients chroniques.
Rejoindre ou créer une MSP : points de vigilance pour les kinés dans le contexte du PLFSS 2026
Les retours de terrain, les guides des ARS et les positions des organisations professionnelles permettent d’identifier plusieurs points que les kinésithérapeutes examinent fréquemment lorsqu’ils envisagent de rejoindre ou de créer une MSP.
Contenu du projet de santé
Avant l’entrée dans la structure, le projet de santé est souvent analysé sous plusieurs angles :
- La manière dont les besoins du territoire sont décrits. (Zones sous-denses, population vieillissante, pathologies musculosquelettiques, maladies chroniques, santé de l’enfant, etc.).
- La place donnée à la rééducation et à la prévention. Parcours autour de la lombalgie, prévention des chutes, accompagnement des pathologies chroniques, activité physique adaptée.
- Les objectifs en matière de coordination avec les autres acteurs (médecins traitants, IDEL, pharmaciens, structures médico-sociales).
Ce document conditionne souvent l’éligibilité de la MSP aux financements ACI, eux-mêmes inscrits dans l’architecture définie par le PLFSS 2026.
Organisation et gouvernance de la structure
Sur le plan organisationnel, plusieurs éléments reviennent régulièrement dans les analyses :
- Les statuts de la SISA (ou de l’association) : répartition des parts, modalités d’entrée et de sortie, règles de vote.
- Les critères de répartition des forfaits ACI MSP entre professions et entre membres.
- Le rôle des coordonnateurs, secrétariats et référents (qualité, prévention, numérique en santé), et le mode de financement de ces fonctions.
Dans le contexte du PLFSS 2026, qui renforce le rôle des organisations représentatives de MSP dans les ACI. Ces structures de gouvernance interne pourraient influencer plus directement la façon dont elles associent les kinés aux décisions.
Temps de coordination et charge de travail
L’exercice en MSP inclut généralement :
- Des réunions de coordination régulières, parfois comptabilisées dans les indicateurs ACI.
- Des tâches liées à la mise à jour du système d’information partagé, à la traçabilité dans Mon Espace Santé et au suivi des indicateurs.
Plusieurs rapports (IGAS, DREES, HCFEA) soulignent que ces dimensions organisationnelles peuvent améliorer l’accessibilité et la continuité des soins. Mais, elles représentent aussi une charge de travail supplémentaire, qui n’est pas toujours intégralement couverte par les forfaits existants.
Articulation avec les perspectives ouvertes par le PLFSS 2026
Enfin, certains éléments du PLFSS 2026 peuvent être pris en compte dans la réflexion sur l’exercice en MSP :
- L’intégration de la MSP dans le futur réseau France Santé et ses conséquences sur l’organisation des soins non programmés.
- Les conséquences possibles de la nouvelle gouvernance ACI-MSP sur la place des kinés dans les négociations et dans la répartition des financements.
- L’articulation entre MSP, CPTS (ou futures Communautés France Santé) et expérimentation d’accès direct, pour les kinés qui exercent dans ces différents cadres à la fois.
En 2025, exercer en Maison de santé pluriprofessionnelle en tant que kinésithérapeute signifie évoluer dans un environnement marqué par les PLFSS. Le PLFSS 2026, en particulier, influence une partie du cadre financier et organisationnel de votre exercice. Les MSP se trouvent au croisement de plusieurs dynamiques. La structuration des soins de proximité, les accords interprofessionnels et l’expérimentation de nouvelles organisations territoriales.
Dans ce contexte, quelle place souhaitez-vous donner à votre exercice en MSP dans les prochaines années ? Comment souhaitez-vous faire évoluer les MSP, les ACI et le futur réseau France Santé afin de renforcer la reconnaissance et l’intégration de votre rôle de kinésithérapeute ? De quelle manière envisagez-vous de participer aux choix locaux (projet de santé, gouvernance, organisation des parcours) afin d’anticiper les effets du PLFSS et du PLFSS 2026 sur votre pratique quotidienne ?
