Rééducation kiné d’un AVC chronique en 2025 : que conseiller ?
15 juin 2023 - Rééducation
Les prescriptions après une fracture de cheville varient énormément d’un service à l’autre. Certains chirurgiens imposent encore un sans-appui strict pendant six semaines, quand d’autres autorisent la remise en charge dès les premiers jours. Résultat : les kinésithérapeutes se retrouvent souvent dans le flou, partagés entre prudence médicale et envie d’optimiser la récupération. Pourtant, la littérature française récente rebat les cartes : le sans-appui systématique n’est plus la norme.
La cheville est une articulation portante majeure, soumise à de fortes contraintes biomécaniques jusqu’à cinq fois le poids du corps à chaque pas. Une fracture perturbe donc la statique, la marche, la proprioception et la stabilité articulaire.
Les fractures unimalléolaires sont les plus fréquentes, mais les formes bimalléolaires ou trimalléolaires, plus graves, peuvent nécessiter une ostéosynthèse chirurgicale. Certaines, comme la fracture de Maisonneuve, impliquent aussi la syndesmose tibio-fibulaire et compliquent la récupération.
Dans les cas simples, un traitement conservateur par plâtre ou botte suffit. Mais dès que la fracture est déplacée, ouverte ou instable, la chirurgie s’impose. Le but est toujours le même : obtenir une réduction anatomique et une stabilité mécanique permettant la consolidation osseuse.
La consolidation osseuse survient en moyenne entre six et huit semaines, mais la récupération fonctionnelle complète demande souvent trois à six mois. D’après la SOFCOT, la durée d’immobilisation habituelle est d’environ 45 jours, avec des variations selon la complexité de la fracture.
Jusqu’à récemment, l’appui était interdit par crainte de déplacement secondaire. Pourtant, plusieurs travaux français démontrent qu’une reprise d’appui précoce, lorsqu’elle est bien encadrée, ne compromet pas la consolidation au contraire. Elle semble l’accélérer.
Une étude de Dahan et al. menée sur vingt patients opérés pour fracture bimalléolaire a autorisé un appui partiel immédiat de vingt kilos pendant trois semaines, suivi d’un appui complet. Aucun déplacement n’a été observé et tous les patients ont consolidé en trois mois, avec un score fonctionnel de 90 sur 100. L’appui précoce, sous réserve d’une fixation stable, apparaît donc sûr et bénéfique.
Ces résultats rejoignent ceux de Peuchot et al. (RCOT, 2024) et Legallois et al. (RCOT, 2024), qui ont évalué la reprise d’appui total après ostéosynthèse par plaques verrouillées. Les auteurs concluent que cette approche améliore la récupération fonctionnelle et accélère le retour à la marche, sans augmenter le risque de complications mécaniques.
Chez les sujets âgés, Galmiche et al. (RCOT, 2016) ont étudié 37 patients opérés par clou calcanéo-talo-tibial. Soixante-neuf pour cent ont retrouvé la marche autonome en moins de trois mois, avec un taux de consolidation de 83 %. La reprise d’appui immédiate a permis de limiter la fonte musculaire et de préserver l’autonomie.
Ces études confirment une tendance nette : lorsqu’une fixation solide est réalisée, l’appui précoce devient un levier de rééducation plutôt qu’un risque chirurgical.
La rééducation ne consiste pas seulement à « refaire bouger la cheville ». Elle doit être pensée comme un parcours fonctionnel global, alliant travail musculaire, proprioception, mobilité et confiance du patient.
Pendant la phase d’immobilisation, le kinésithérapeute entretient la musculature des membres supérieurs et de la jambe non blessée, mobilise les orteils, stimule la circulation et surveille le gonflement. Dès que l’appui partiel est autorisé, il réintroduit progressivement la charge avec ou sans botte, tout en travaillant la mobilité douce de la cheville et l’équilibre.
Entre six et douze semaines, la consolidation osseuse permet un appui complet. Le travail devient plus dynamique : renforcement excentrique des fibulaires, équilibre unipodal, marche sur terrains variés, montée sur pointes ou sur talons. Le patient retrouve progressivement confiance dans sa cheville.
Au-delà de trois mois, la rééducation vise le retour à la performance : sauts, course légère, changements de direction. Cette étape consolide la stabilité articulaire et prévient les récidives.
L’appui progressif agit comme un véritable stimulateur biologique et mécanique. Il favorise la vascularisation, active les ostéoblastes et accélère la consolidation osseuse. Il limite aussi la fonte musculaire et entretient les réflexes proprioceptifs.
À l’inverse, un sans-appui prolongé provoque souvent une raideur, une hypersensibilité et une appréhension durable de la marche. Plusieurs études françaises (Dahan 2015, Peuchot 2024) ont montré que les patients autorisés à poser le pied plus tôt retrouvaient une marche fluide et une force musculaire supérieures à ceux restés en décharge stricte.
Certaines situations imposent encore la prudence : fractures ouvertes, comminutives, atteintes de la syndesmose non stabilisées, ostéoporose sévère ou troubles vasculaires. L’appui doit toujours être autorisé par le chirurgien et surveillé de près.
Le syndrome douloureux régional complexe (SDRC) reste la complication la plus redoutée. Il peut apparaître après une immobilisation prolongée ou une rééducation trop agressive. Le kinésithérapeute doit adapter le rythme, introduire des techniques de désensibilisation et accompagner le patient dans la gestion de la douleur.
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Il n’existe pas de protocole unique applicable à toutes les fractures de cheville. La réussite repose sur la personnalisation du traitement : type de fracture, qualité de la fixation, âge, comorbidités et ressenti du patient.
Une communication fluide entre le chirurgien, le kiné et le patient reste essentielle pour ajuster la charge, prévenir les complications et valoriser les progrès. Le rôle du kinésithérapeute dépasse la simple rééducation. Il accompagne la reprise d’appui, rassure, motive et restaure la confiance du patient dans son mouvement.
Les preuves françaises convergent : lorsque la fixation est stable, l’appui précoce est non seulement possible, mais souvent souhaitable. Il raccourcit la durée de rééducation, améliore la récupération musculaire et réduit les séquelles fonctionnelles.
À l’inverse, le sans-appui prolongé semble de moins en moins justifié. S’il garde sa place dans certaines fractures complexes, il ne doit plus être systématique.
Le kiné devient alors le pivot de cette évolution. Observer, adapter, encourager, et permettre au patient de retrouver confiance dans sa cheville. La réussite ne se mesure pas uniquement à la radio de contrôle, mais à la fluidité du pas et à la confiance retrouvée dans le mouvement.
Et vous, que pensez-vous du sans appui ?
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