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Pathologies

Tendinite du moyen fessier : prise en charge et traitement en kinésithérapie

La tendinite du moyen fessier, ou tendinopathie glutéale, n’a plus grand-chose à voir avec la simple inflammation qu’on lui attribuait autrefois. C’est une pathologie complexe, à la croisée des facteurs mécaniques, biomécaniques et biologiques, qui se cache derrière de nombreuses douleurs latérales de hanche. Chez l’adulte et tout particulièrement chez la femme d’âge moyen elle représente jusqu’à 20 % des douleurs de hanche non arthrosiques. Trompeuse, elle se confond souvent avec une bursite trochantérienne ou une sciatique tronquée, retardant parfois le bon diagnostic. Pourtant, sa prise en charge est tout sauf passive : il ne s’agit pas d’immobiliser ni de calmer à tout prix, mais de réentraîner le tendon, restaurer la tolérance à la charge et corriger les déséquilibres du bassin. Mais comment reconnaître, évaluer et rééduquer efficacement une tendinopathie du moyen fessier ?

Quels sont les symptômes de la tendinite du moyen fessier ?

La tendinite du moyen fessier se manifeste principalement par une douleur latérale de hanche. Elle est située sur la face externe, au niveau du grand trochanter. Cette douleur peut irradier vers la fesse, la cuisse ou le genou, sans toutefois dépasser la ligne médiane ni s’accompagner de troubles neurologiques. Cette irradiation descendante est typique et peut orienter le diagnostic vers le complexe trochantérien plutôt que vers une atteinte lombaire.

Les patients décrivent une gêne mécanique. La douleur s’accentue à la marche, lors des montées d’escaliers, en position debout prolongée, ou encore en s’allongeant sur le côté atteint. La nuit, la pression du corps sur la hanche accentue souvent la douleur. Cela conduit certains patients à une insomnie chronique.

À l’examen, le kinésithérapeute retrouve :

  • une sensibilité vive à la palpation du grand trochanter ;
  • une faiblesse à l’abduction active ;
  • une douleur à la contraction contre résistance ;
  • parfois une boiterie d’évitement ou un signe de Trendelenburg positif, traduisant une faiblesse du moyen fessier.

Les tests cliniques les plus discriminants sont le test d’adduction (ADD) et le Trendelenburg dynamique. Une échographie permet de visualiser l’épaississement tendineux, la désorganisation des fibres ou une bursite associée. L’IRM reste l’examen de référence pour distinguer une tendinopathie d’une rupture partielle du tendon.

Les symptômes peuvent être aggravés par certaines postures, notamment le croisement de jambes ou l’appui prolongé sur une hanche en position debout.

Comment traiter la tendinite du moyen fessier ?

Le traitement de la tendinite du moyen fessier repose sur une stratégie combinée : éducation thérapeutique, kinésithérapie progressive et adaptation de la charge.
Le mot d’ordre n’est plus le repos absolu, mais la rééducation active, adaptée à la douleur et à la tolérance tendineuse.

La kinésithérapie, cœur du traitement

Le kinésithérapeute joue un rôle central dans la récupération. Le protocole doit intégrer :

  • une phase de désensibilisation, centrée sur la gestion de la douleur et la restauration progressive de la tolérance à la charge ;
  • une phase de renforcement ciblant les muscles stabilisateurs de hanche (moyen fessier, petit fessier, carré fémoral, rotateurs latéraux) ;
  • une phase de reprogrammation fonctionnelle, où le patient réapprend à contrôler la position de son bassin et à répartir la charge sur les deux jambes.

Le repos total est proscrit, car il entraîne une atrophie musculaire et une perte de capacité tendineuse. Le repos relatif, en revanche, est fondamental : éviter les gestes douloureux sans cesser tout mouvement.

Une étude du British Journal of Sports Medicine démontre que les patients informés sur la nature non inflammatoire de la tendinopathie et engagés dans une démarche active de rééducation présentent une amélioration fonctionnelle 40 % plus rapide que ceux traités uniquement par infiltrations ou anti-inflammatoires.

Le rôle des infiltrations et des traitements complémentaires

Les infiltrations de corticoïdes peuvent soulager temporairement une phase inflammatoire aiguë, mais leur efficacité à long terme est inférieure à celle de l’exercice thérapeutique.
Les anti-inflammatoires (AINS) sont parfois prescrits pour réduire la douleur, sans action directe sur la réparation tendineuse.

Les ondes de choc extracorporelles (ESWT) sont une option non invasive de plus en plus utilisée. Plusieurs méta-analyses (PubMed, 2025 ; ScienceDirect, 2025) montrent une amélioration durable de la douleur et de la fonction après 4 à 6 séances, notamment dans les formes chroniques.

Dans les cas rebelles ou associés à une rupture partielle, une chirurgie mini-invasive peut être envisagée, avec réparation tendineuse et bursectomie. Le pronostic post-opératoire est excellent à condition d’un suivi kinésithérapique rigoureux.

Quelles sont les causes de la tendinopathie fessière ?

La tendinopathie du moyen fessier ne résulte pas d’un seul facteur, mais d’un ensemble de déséquilibres mécaniques, biomécaniques et physiologiques qui s’accumulent dans le temps. Le tendon devient douloureux non pas parce qu’il est enflammé, mais parce qu’il est mal sollicité, mal régénéré, ou compressé de manière répétée.

1. La surcharge mécanique chronique : la première cause

Le moyen fessier est un muscle clé dans la stabilité du bassin. À chaque pas, il supporte entre 2,5 et 3 fois le poids du corps, particulièrement lors de la phase d’appui unipodal.
Si cette charge mécanique dépasse les capacités d’adaptation du tendon par exemple lors d’une reprise de sport trop rapide, d’une marche prolongée, ou d’une activité professionnelle où le patient reste longtemps debout la structure du tendon se dégrade progressivement.

Contrairement à l’idée ancienne d’une inflammation aiguë, les études récentes montrent qu’il s’agit d’un processus dégénératif : micro-ruptures, désorganisation du collagène, et néovascularisation douloureuse.
Cette surcharge tendineuse est d’autant plus nocive lorsqu’elle n’est pas compensée par une phase de récupération ou lorsque la posture du bassin crée un bras de levier défavorable.

2. Les mouvements répétitifs et postures inadéquates

Les mouvements répétitifs marche prolongée, montée d’escaliers, sport d’endurance, station debout ou assise prolongée sont souvent le facteur déclenchant. Mais c’est la posture inadéquate qui transforme ces gestes anodins en contrainte pathologique.

Chez les patients sédentaires, l’habitude de s’appuyer sur une seule jambe ou de croiser les jambes en position assise crée une compression permanente du tendon contre le grand trochanter.
Chez les sportifs, notamment les coureurs à pied, un déficit de contrôle du bassin ou une faiblesse du tronc latéral provoquent une oscillation excessive du bassin, augmentant la tension sur le moyen fessier.

Ces contraintes répétitives et mal alignées engendrent une hyper-sollicitation du tendon dans un axe inadéquat, ce qui entraîne microtraumatismes, désorganisation fibreuse et douleurs à la charge.

3. Les déséquilibres biomécaniques du bassin et du genou

Un déséquilibre du bassin, un valgus dynamique du genou, une inégalité de longueur des membres inférieurs, ou une faiblesse du gainage latéral modifient profondément la trajectoire des forces sur la hanche.
Le tendon du moyen fessier est alors sollicité dans un axe excentré : il agit davantage comme un frein que comme un stabilisateur, créant une tension anormale au niveau du grand trochanter.
Ces compensations se rencontrent fréquemment chez les patientes présentant un morphotype en genu valgum, ou après des grossesses multiples avec modification du tonus des muscles pelviens.

4. La compression tendineuse : un facteur aggravant majeur

Cette cause est souvent sous-estimée en pratique clinique.
En position assise prolongée, surtout sur des surfaces dures ou inclinées, le tendon est écrasé contre le trochanter. Ce phénomène de compression mécanique diminue la vascularisation locale et favorise la dégénérescence du collagène.
Certains étirements profonds notamment ceux visant à « détendre » les fessiers peuvent en réalité aggraver la compression et ralentir la guérison.
Les recommandations actuelles insistent sur ce point : « La flexion et l’adduction de hanche en charge augmentent la compression tendineuse et doivent être limitées dans la phase initiale ».

5. Les facteurs biologiques et hormonaux

Les femmes post-ménopausées sont les plus touchées. La baisse des œstrogènes réduit la synthèse du collagène, la vascularisation tendineuse et la capacité de régénération.
De plus, le surpoids, la sédentarité, ou certains traitements (corticoïdes, fluoroquinolones) fragilisent encore davantage la matrice tendineuse.
Enfin, des études ont mis en évidence un lien entre tendinopathie fessière et syndrome douloureux myofascial : le muscle moyen fessier devient hypertonique, provoquant une tension permanente sur son tendon.

En résumé, la tendinopathie du moyen fessier naît d’un déséquilibre entre la charge imposée et la capacité du tendon à l’absorber, dans un environnement postural et hormonal parfois défavorable.

Quels exercices pour soulager la douleur ?

Les exercices de kinésithérapie sont le cœur du traitement. Ils visent à restaurer la tolérance mécanique du tendon, renforcer les muscles stabilisateurs et réduire la douleur.

Phase 1 : activation douce et soulagement

Objectif : réactiver le muscle sans irriter le tendon.
Le pont fessier (bridging) et le clamshell (coquillage) sont les deux exercices de base. L’isométrie contraction statique du moyen fessier permet une stimulation sans mouvement et limite la compression tendineuse.
Le patient est invité à éviter les postures aggravantes : dormir sur le côté douloureux, croiser les jambes ou s’appuyer sur une seule jambe.

Phase 2 : renforcement progressif et contrôle pelvien

Lorsque la douleur diminue, le travail devient fonctionnel : abductions contrôlées, exercices en appui unipodal, marche latérale avec élastique, montée d’escaliers. Le kinésithérapeute veille à maintenir une bonne stabilité du bassin et à éviter les compensations du tronc.

Phase 3 : réintégration fonctionnelle

Cette phase reproduit les gestes du quotidien ou du sport : squats latéraux, fentes, exercices en chaîne fermée.
L’objectif est de permettre au patient de retrouver un tendon capable d’absorber les contraintes du mouvement sans douleur.
Le niveau de douleur acceptable pendant l’exercice doit rester < 2/10 et disparaître dans les 24 h.

L’éducation du patient à la gestion de la charge est essentielle : trop peu de stimulation retarde la récupération, trop de charge l’aggrave.

Quel est le temps de guérison pour la tendinite du moyen fessier ?

Le temps de guérison dépend de l’ancienneté de la tendinopathie, de la sévérité des lésions et de la qualité du suivi kinésithérapique.

Les études montrent qu’une amélioration notable apparaît en 4 à 6 semaines si le diagnostic est précoce et la rééducation bien conduite.
Les formes chroniques ou associées à des facteurs mécaniques persistants nécessitent souvent 3 à 6 mois.
Dans les formes dégénératives importantes, la rééducation peut s’étendre sur 8 à 12 mois avant un retour complet à la charge maximale.

L’abandon prématuré du programme multiplie par trois le risque de rechute. Le succès dépend donc autant de la persévérance du patient que de la qualité du protocole.

Quand consulter un médecin pour la tendinite ?

Certains signes doivent alerter :

  • douleur persistante malgré trois mois de rééducation ;
  • douleur nocturne majeure ou boiterie importante ;
  • suspicion de rupture partielle du tendon ;
  • échec des traitements conservateurs ;
  • présence d’une prothèse de hanche ou antécédent chirurgical.

Le médecin réalisera un bilan médical complet : imagerie (IRM, échographie), évaluation de la bursite, prescription éventuelle d’un traitement complémentaire.
Une prise en charge multidisciplinaire kinésithérapeute, médecin du sport, rhumatologue ou chirurgien assure les meilleurs résultats.

Quels sont les traitements médicaux disponibles ?

Les traitements médicaux  pour une tendinite du moyen fessier viennent en complément de la rééducation kinésithérapique, qui reste le pilier de la prise en charge. Leur objectif est de moduler la douleur, favoriser la cicatrisation tendineuse et, dans certains cas, traiter les lésions associées.

1. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)

Les AINS (ibuprofène, naproxène, kétoprofène…) peuvent soulager la douleur dans les phases aiguës.
Cependant, leur utilisation prolongée est déconseillée : ils peuvent altérer la phase de réparation tendineuse.
Leur efficacité est limitée dans les tendinopathies chroniques, qui ne sont plus dominées par une inflammation mais par un processus dégénératif.

2. Les infiltrations de corticoïdes

L’infiltration de corticoïdes reste courante dans les formes inflammatoires ou les bursites trochantériennes.
Efficaces pour réduire la douleur à court terme, elles présentent toutefois deux limites :

  • une efficacité qui décroît au-delà de 6 à 8 semaines ;
  • un risque d’atrophie tendineuse ou de rupture si elles sont répétées trop fréquemment.

Les infiltrations de corticoïdes apportent un bénéfice significatif à 4 semaines, mais sont moins efficaces à 6 mois que la rééducation active.

3. Le plasma riche en plaquettes (PRP)

Le PRP (ou plasma riche en plaquettes) est une approche biologique de plus en plus utilisée.
Prélevé sur le sang du patient, il contient des facteurs de croissance (VEGF, PDGF, IGF-1) favorisant la régénération du tissu tendineux.
Les études récentes montrent une amélioration significative de la douleur et de la fonction à 6 mois, surtout dans les tendinopathies chroniques récalcitrantes.

4. Les ondes de choc extracorporelles (ESWT)

Les ondes de choc ont prouvé leur efficacité dans les tendinopathies glutaéales chroniques.
Elles stimulent la néovascularisation et la régénération tendineuse par microtraumatismes contrôlés.
Une étude française multicentrique rapporte une amélioration clinique dans 82 % des cas après 5 séances hebdomadaires, sans effets indésirables majeurs.
Elles représentent aujourd’hui une alternative sérieuse aux infiltrations de corticoïdes.

5. La chirurgie mini-invasive

Lorsque la tendinopathie s’accompagne d’une rupture partielle ou complète du tendon, la réparation chirurgicale devient nécessaire.
Les techniques modernes (réinsertion endoscopique, bursectomie, décompression trochantérienne) permettent une récupération rapide, à condition d’un suivi kinésithérapique strict.
Le protocole post-opératoire inclut :

  • une mise en décharge de 4 à 6 semaines ;
  • un travail de mobilité passive douce ;
  • puis une reprise progressive du renforcement musculaire du moyen fessier.

6. Autres pistes émergentes

De nouvelles approches sont actuellement à l’étude :

  • thérapie par laser haute intensité,
  • radiofréquence percutanée,
  • thérapies combinées PRP + ondes de choc.

Les premiers résultats suggèrent une synergie entre ces techniques. Il y a un taux de satisfaction supérieur à 85 % dans les cas chroniques.

Une pathologie de mouvement plus qu’une simple inflammation

La tendinite du moyen fessier est bien plus qu’une douleur latérale de hanche. C’est une pathologie du mouvement. Elle est souvent liée à un mode de vie sédentaire, à des postures figées et à des mouvements répétitifs mal contrôlés. La kinésithérapie moderne y répond par une approche active, individualisée et éducative.

Réapprendre à bouger autrement, à répartir la charge, à stabiliser le bassin, c’est redonner au tendon sa fonction naturelle de transmission d’énergie et de stabilisation.
Ainsi, la rééducation devient bien plus qu’un traitement. C’est une véritable reprogrammation du mouvement, fondée sur la science, la patience et la cohérence.

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2 mois il y a

Très bons exercices…

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