Kiné et influenceur : peut-on concilier pratique de soin et présence sur les réseaux ?
De plus en plus d’influenceurs kinés investissent Instagram, TikTok, LinkedIn ou YouTube pour partager conseils, astuces, retours d’expérience ou encore mettre en avant leurs pratiques. Qu’ils s’adressent au grand public ou à leurs confrères, ces espaces offrent une visibilité inédite… mais comment profiter de cette opportunité sans jamais franchir la ligne rouge de la déontologie ?
Quand l’influenceur kiné s’impose sur la scène digitale
Traditionnellement, le métier de masseur-kinésithérapeute se pratique à l’abri des regards, en cabinet, à domicile ou en établissement. Mais la demande d’informations fiables sur la santé explose.
Aujourd’hui, un kiné influenceur peut toucher un public bien au-delà de son secteur géographique. Les internautes cherchent des conseils pour éviter les blessures, améliorer leur posture, récupérer après une chirurgie ou optimiser leur performance sportive. Les réseaux deviennent alors un prolongement naturel de la mission d’éducation à la santé.
Mais un kiné qui choisit de parler uniquement aux kinés adopte un rôle différent : il devient créateur de contenus techniques, formateur en ligne, ou animateur de communauté professionnelle. Cela peut passer par l’analyse d’articles scientifiques, la présentation d’outils de rééducation, ou le partage de retours d’expérience sur des cas cliniques.
Pour certains, comme Pamz Therapy, kinésithérapeute influenceur spécialisé dans la rééducation sportive, cette visibilité devient un levier de notoriété et un outil pédagogique puissant, grâce à des vidéos claires, ludiques et scientifiquement fiables.
Influenceur kiné ou communicant : une nuance essentielle
Tous les kinés présents sur les réseaux ne sont pas des influenceurs.
Le communicant utilise les réseaux sociaux pour partager des informations fiables et contribuer à la santé publique, sans objectif commercial.
L’influenceur en kinésithérapie produit régulièrement du contenu, cultive une communauté, et peut collaborer avec des marques ou des partenaires, tout en restant tenu par son code de déontologie.
Et quand la cible est exclusivement composée de kinés, les règles changent légèrement : le contenu est plus technique, la communauté plus restreinte mais plus qualifiée, et les opportunités peuvent se situer du côté de la formation continue, des conférences ou de l’équipement professionnel.
Cette nuance est précieuse, car elle définit non seulement la stratégie de communication, mais aussi les responsabilités légales et éthiques.
Rappel des obligations déontologiques pour le kiné influenceur
La communication en ligne pour les kinésithérapeutes est possible, mais elle est strictement encadrée par :
1. Le Code de la santé publique
- L’article R. 4321-122 autorise la communication « par tous moyens, y compris par voie électronique », à condition qu’elle soit loyale, honnête et scientifiquement étayée.
 - Obligation de respecter le secret professionnel et l’anonymat des patients (aucune image ou témoignage identifiable sans consentement écrit).
 - Interdiction de tout propos déloyal ou dénigrant envers des confrères ou la profession.
 - Obligation de déclarer tout pseudonyme utilisé sur les réseaux sociaux à votre conseil départemental de l’Ordre.
 - Pas de promesse de résultats garantis ou exagérés.
 
2. Les décrets de 2020
Les décrets n° 2020-1663 et suivants ont assoupli certaines règles (plus besoin d’autorisation préalable pour certaines annonces) mais n’autorisent toujours pas la publicité directe des actes thérapeutiques ou esthétiques.
3. La “Loi Influenceurs” n° 2023-451
Depuis juin 2023, toute personne utilisant sa notoriété pour promouvoir des produits ou services en ligne contre rémunération ou avantage en nature est considérée comme influenceur.
Pour les professions de santé, cela implique :
- Interdiction de promouvoir directement ou indirectement :
- Actes ou méthodes assimilables à des prescriptions médicales.
 - Dispositifs médicaux non conformes ou non autorisés.
 - Produits de santé ou compléments alimentaires présentés comme curatifs.
 - Actes esthétiques à risques.
 
 - Transparence obligatoire : toute collaboration ou contenu sponsorisé doit comporter une mention claire (« publicité » ou « collaboration commerciale ») pendant toute la durée de diffusion.
 - Sanctions : amendes et interdictions d’exercer en cas de manquement.
 
4. Certification “Influence Responsable”
L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) propose un certificat d’Influence Responsable, recommandé par l’Ordre, pour se former aux bonnes pratiques de communication en ligne et sécuriser ses collaborations commerciales.
Les risques d’une visibilité mal maîtrisée par un kiné influenceur
Le métier d’influenceur kiné attire, mais il comporte des pièges.
- Le premier est la tentation d’adopter les codes sensationnalistes des influenceurs grand public, en privilégiant les vues plutôt que la pertinence médicale.
 - Autre écueil : mélanger contenu professionnel et vie privée, ce qui brouille le message et affaiblit la posture professionnelle. Produire un contenu régulier de qualité prend du temps, et peut empiéter sur l’activité clinique si la stratégie n’est pas cadrée.
 
Pour ceux qui parlent uniquement aux kinés, le risque principal est de tomber dans un contenu trop technique ou trop confidentiel, qui perd en clarté ou en intérêt faute de pédagogie. À l’inverse, un ton trop léger pourrait nuire à la crédibilité auprès des pairs.
Enfin, plus la visibilité augmente, plus le kiné influenceur s’expose aux critiques et aux débats publics. Une gestion professionnelle des commentaires, même négatifs, est essentielle.
Construire une stratégie d’influence en kinésithérapie
Tout commence par définir un cap : éducation, prévention, valorisation de techniques spécifiques, développement d’activités complémentaires… L’objectif détermine ensuite le choix des plateformes.
- Instagram et TikTok : formats courts, démonstrations d’exercices, conseils rapides.
 - LinkedIn : réseau professionnel, partage d’articles, projets, collaborations.
 - YouTube : tutoriels complets, interviews, contenus éducatifs détaillés.
 
Et pour une audience 100 % kinés, LinkedIn et YouTube sont particulièrement adaptés : ils permettent de publier du contenu de fond, d’organiser des webinaires, ou de créer des playlists thématiques sur des approches de rééducation spécifiques.
Pour un influenceur kiné, la régularité et la pertinence priment sur la quantité. Un contenu clair, sourcé et pédagogique renforce la crédibilité, tout en construisant une communauté fidèle.
Influenceur kiné : une tendance durable ?
Avec l’évolution des usages, la plupart des kinés seront bientôt sur au moins un réseau social, comme communicants ou influenceurs. L’essentiel : en faire un outil au service de la santé publique ou du développement pro, pas une simple vitrine commerciale.
Un kiné sur les réseaux sociaux peut devenir une référence, créer des opportunités professionnelles, et surtout contribuer à faire évoluer la profession en interne lorsqu’il s’adresse à ses confrères. Le partage d’expériences et d’outils, la valorisation de nouvelles approches, ou la discussion autour de publications scientifiques sont autant de manières d’influencer positivement la communauté kiné.
💡 Conclusion : Être un influenceur kiné en 2025 n’est pas incompatible avec l’exigence médicale. C’est même une opportunité de valoriser la profession, à condition de le faire avec méthode et responsabilité. Et en ciblant uniquement les kinés, on peut créer un espace d’échanges privilégié, loin de la communication grand public, pour renforcer les liens et faire progresser la profession de l’intérieur. La notoriété devient alors un levier au service de la kinésithérapie, et non un objectif en soi.
