Relation kiné-patient : gérer les situations de violence
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Gérer la violence dans la relation kiné-patient

Les agressions envers les professionnels de santé ne sont plus taboues. En 2024, l’Observatoire national des violences en santé (ONVS) a recensé 20 961 signalements d’actes de violence, soit une augmentation de 6,6 % par rapport à 2023. Parmi ces cas, 50,9 % concernent des violences physiques ou des menaces avec arme, et près d’un tiers sont des insultes ou des injures répétées. Si les établissements hospitaliers restent les plus documentés, les cabinets de ville et les visites à domicile sont tout autant exposés. Dans ces lieux, le praticien est souvent seul, sans collègue pour l’épauler, et plus vulnérable aux débordements.

Quelles sont les formes de violence rencontrées par les kinés ?

Les violences rencontrées dans la relation kiné-patient ne se limitent pas aux coups ou aux menaces explicites. Elles prennent des formes variées, parfois insidieuses :

  • Violence verbale : insultes, dénigrements, menaces, propos humiliants
  • Violence physique : gestes brusques, coups, agressions
  • Violence psychologique : manipulation, pressions, harcèlement
  • Violence symbolique : non-respect du cadre thérapeutique, propos déplacés ou dévalorisants

Dans certains cas, la violence n’est pas initiée par le patient, mais par un proche accompagnateur, notamment dans les soins pédiatriques ou à domicile.

⚠️ Selon l’ARS, plus de 30 % des soignants agressés déclarent des séquelles psychologiques ou physiques persistantes.

Gérer les situations de violence : témoignage d’Augustin, kinésithérapeute libéral à Lyon

« Je pensais être épargné en libéral. Mais très vite, j’ai compris que l’isolement du cabinet rend tout incident beaucoup plus pesant. Une patiente a levé la main sur moi après que je lui ai expliqué que je ne pouvais plus prolonger ses séances au-delà de l’ordonnance. Je n’ai rien vu venir. »

Pour Augustin, les clés sont la communication, l’anticipation, et surtout le refus de banaliser.

« J’ai appris à poser le cadre dès la première séance : durée, attentes, conditions de remboursement. Et surtout, à ne plus rester seul face à l’agressivité : je signale les faits, j’en parle à mes collègues, et j’ai appris à interrompre une prise en charge si nécessaire. »

Pourquoi certains patients deviennent-ils agressifs ?

La violence d’un patient n’est pas nécessairement liée à une pathologie psychiatrique. Les professionnels de santé sont souvent confrontés à des personnes en détresse, sous tension, ou dépassées par la situation :

  • Douleur chronique ou handicap qui altèrent la patience et la communication
  • Attentes irréalistes vis-à-vis des soins : guérison rapide, résultats garantis
  • Stress administratif ou financier, notamment autour du remboursement
  • Conflits familiaux ou conjugaux déversés dans le cadre du soin
  • Troubles non diagnostiqués (états limites, troubles anxieux, addictions)

🔎 Environ 2 % de la population présente des troubles psychiatriques potentiellement violents. Mais l’agressivité légère ou verbale est bien plus fréquente, notamment dans les pratiques libérales.

Repérer les signaux faibles : première étape de la prévention contre la violence patient kiné

L’agressivité ne survient pas toujours par surprise. Certains signes peuvent alerter :

  • Attitude tendue, ton ironique ou provocateur
  • Refus répétés d’appliquer les consignes
  • Dévalorisation du professionnel
  • Tentative de négociation insistante hors cadre
  • Agitation physique ou gestuelle inhabituelle

Dans ces cas, il est essentiel de ne pas ignorer son ressenti, et de sécuriser l’échange.

« On sent souvent quand une séance peut déraper. L’erreur, c’est de vouloir « gérer à tout prix » pour ne pas perdre un patient. La sécurité passe avant. » — Augustin

Comment réagir face à un patient agressif ?

Rester maître de soi

La posture verbale et non-verbale du kiné est centrale. Il faut parler posément, affirmer ses limites, et éviter tout ton accusateur ou ironique. Rester neutre mais ferme est une stratégie de désescalade efficace.

Exemple : « Je comprends votre ressenti, mais je ne peux pas poursuivre dans ces conditions. Je vous propose de faire une pause et d’en reparler. »

« L’une des choses que je fais, c’est de garder le calme et de parler clairement. Écouter vraiment ce que le patient a à dire peut souvent aider à baisser la tension. Juste le fait de se sentir écouté peut changer beaucoup de choses. » — Augustin

Rappeler le cadre thérapeutique

Poser les règles dès la première séance est une protection. Si un patient enfreint ce cadre (retard, agressivité, intrusion), il est légitime de le lui rappeler. Cela peut prendre la forme d’un rappel oral ou d’une note écrite en fin de séance.

Mettre fin à la prise en charge si nécessaire

Un professionnel de santé a le droit (et le devoir) d’interrompre une prise en charge si sa sécurité physique ou morale est en jeu. Cela doit être fait de façon claire et documentée, en proposant éventuellement une réorientation.

Et après ? Signaler, documenter, se protéger

Après un incident, il est essentiel de rédiger un compte-rendu objectif (date, faits, propos, comportements) à conserver dans le dossier du patient.

En parallèle, un signalement peut être fait via la plateforme officielle du ministère : plateforme mise en place par l’Observatoire national des violences en santé. Ce signalement est confidentiel et permet de mieux quantifier les agressions dans le milieu libéral. Il peut également servir de base en cas de poursuites ou de récidive.

Enfin, il ne faut pas négliger l’impact émotionnel : échanger avec un collègue, participer à un groupe de pairs, ou consulter un psychologue permet de prévenir la sidération ou l’épuisement.

Augustin : Ça peut être vraiment stressant, je ne vais pas mentir. Des fois, je me retrouve à emporter cette tension à la maison, et ça peut peser sur mes proches. C’est super important de savoir gérer son propre stress et de chercher de l’aide si on en ressent le besoin.

Se former pour prévenir les violences des patients envers les kinés

Plusieurs formations validantes sont disponibles pour les kinés libéraux. Elles permettent de renforcer sa posture professionnelle et de mieux anticiper les situations à risque.

Formations DPC recommandées :

  • « Prévenir et gérer les situations de violence en soins » ;
  • « Communication thérapeutique et gestion des conflits » ;
  • Formations avec jeux de rôles / mises en situation, de plus en plus recommandées.

Ces formations sont éligibles au DPC ou au FIFPL. Certaines sont disponibles en e-learning.

🎓 En 2024, seuls 7 % des kinés libéraux avaient suivi une formation dédiée à la violence. En 2025, l’objectif est d’atteindre 20 % selon la FFMKR.

Augustin : Absolument, il y a des ressources disponibles pour nous aider. Par exemple, le ministère de la Santé offre des guides et des infos en ligne sur comment gérer et éviter la violence. Et puis, il y a des formations pour nous apprendre à reconnaître et à gérer les situations risquées.

Prévenir plutôt que subir : aménager son exercice

En cabinet comme à domicile, certaines précautions simples peuvent réduire le risque d’incidents :

  • Ne pas se retrouver physiquement coincé entre le patient et la porte ;
  • Prévoir une alarme discrète ou un bouton d’urgence, même symbolique ;
  • Afficher une charte de respect mutuel en salle d’attente ;
  • Travailler en cabinet partagé pour les jeunes installés.

« Le pire, c’est de se dire qu’on est seul, ou qu’on aurait dû faire mieux. On ne peut pas tout contrôler. Mais on peut apprendre à ne pas subir. » — Augustin

Comment vois-tu l’évolution de la relation patient-kiné avec ce problème de violence ?

Augustin : Il faut qu’on travaille tous ensemble pour améliorer ces relations. Informer les patients sur ce que les soignants font vraiment et ce qu’ils peuvent attendre aide à limiter les frustrations. Et puis, améliorer notre formation en communication et gestion des conflits est essentiel pour éviter que les choses dérapent.

Parler de ces situations de violences, c’est déjà agir. Vous souhaitez partager une expérience ? Réagir à l’article ? Contactez-nous, ou laissez un commentaire. Ensemble, il faut se protéger.

Un grand merci à Augustin pour son retour d’expérience et ses conseils avisés !

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