Faut-il encore proposer des ultrasons en 2024 ?
Dans tous les catalogues et sites d’e-commerce dédiés aux kinés, vous trouverez probablement des ultrasons à vendre. Et chaque mois, des milliers de requêtes sur Google par des kinés ou patients ont pour sujet les ultrasons : quels effets secondaires ? Quel danger ? Est-ce qu’on peut en acheter des pas cher ? Quelle efficacité thérapeutique, pour de nombreuses indications, comme la tendinite, les douleurs ou l’épine calcanéenne ?
Ce sont les questions les plus fréquentes des internautes. Dans cet article, on va chercher à répondre à la question suivante : est-ce que c’est pertinent d’acquérir une machine à ultrasons quand on est kinésithérapeute en 2024 ? Et si on en a déjà une, est-ce une technique qu’on devrait utiliser ? Dans quel contexte ? Dans cet article, on traite bien des ultrasons à des fins thérapeutiques uniquement, et non pas pour des diagnostiques.
Qu’est-ce que les ultrasons en kinésithérapie ?
Les ultrasons en kinésithérapie sont une modalité de traitement qui utilise des ondes sonores à haute fréquence pour traiter les tissus profonds du corps humain. Les ultrasons produisent des vibrations mécaniques qui sont transmises à travers les tissus corporels, ce qui peut aider à soulager la douleur, à améliorer la circulation sanguine et à réduire l’inflammation.
Les ultrasons sont utilisés en kinésithérapie pour traiter une variété de conditions, notamment les blessures musculaires, les tendinites, les bursites et les douleurs articulaires. Ils peuvent également être utilisés pour aider à réduire les spasmes musculaires et à améliorer la mobilité des tissus cicatriciels.
Lors d’une séance de traitement aux ultrasons, un gel est appliqué sur la peau pour aider à transmettre les ondes sonores. Le thérapeute utilise ensuite une sonde à ultrasons pour appliquer les ondes sonores sur la zone de traitement pendant plusieurs minutes. Les ultrasons sont généralement indolores et non invasifs, ce qui en fait une modalité de traitement populaire en kinésithérapie.
Comment fonctionnent les ultrasons ?
Les ultrasons sont des ondes sonores à haute fréquence qui se propagent dans les milieux matériaux tels que l’air, l’eau et les tissus corporels. En kinésithérapie, les ultrasons sont produits par un appareil appelé générateur d’ultrasons, qui envoie une onde ultrasonore dans le corps du patient via une sonde à ultrasons.
Lorsque l’onde ultrasonore atteint les tissus du corps, elle est partiellement absorbée, réfléchie ou transmise à travers les différents types de tissus. Cette interaction avec les tissus produit des changements physiques dans les cellules, les tissus et les fluides corporels. Les ultrasons peuvent ainsi aider à soulager la douleur, à réduire l’inflammation et à améliorer la circulation sanguine.
Les ultrasons peuvent également être utilisés pour chauffer les tissus corporels, ce qui peut aider à réduire les spasmes musculaires et à améliorer la flexibilité des tissus cicatriciels. La chaleur générée par les ultrasons peut également aider à augmenter la circulation sanguine, ce qui peut favoriser la guérison des blessures.
Il est important de noter que les ultrasons ne sont pas appropriés pour toutes les conditions. Ils peuvent être contre-indiqués dans certaines situations, comme en présence d’une infection ou d’une tumeur, et doivent être utilisés avec prudence autour des os, des implants métalliques et des tissus nerveux. Il est donc essentiel que les professionnels de santé utilisent les ultrasons de manière appropriée et suivent les protocoles de sécurité pour éviter les effets indésirables.
Retour sur l’histoire des ultrasons
Les effets potentiels des ultrasons en physiothérapie sont étudiés depuis… 1966 ! C’est en tout cas l’année de parution d’une publication « Ultrasound in physiotherapy ». On retrouve ensuite un nombre croissant d’études sur le sujet, particulièrement depuis les années 2000.
Depuis quelques années, certains particuliers s’équipent même d’ultrasons à la maison… On peut en effet en trouver facilement commandables par Amazon, moyennant 150 à 200 euros. Et surtout, voir défiler sur les écrans télés des pubs affirmant que ces appareils « accélèrent la guérison de blessures musculaires », tout en « soulageant la douleur ». Qu’en est-il réellement ?
Quelle efficacité théorique et empirique des ultrasons ?
Ne nions pas que certaines personnes se sentent vraiment mieux après une ou plusieurs séances d’ultrasons, quel que soit leur problème (exemple : lésions musculaires). Tous les kinés qui les ont utilisés au moins une dizaine de fois ont des exemples de patients dans ce cas !
Néanmoins, la question est de savoir si cette amélioration est due :
- à l’évolution naturelle des symptômes : quoi qu’on ait fait, la personne serait allée mieux ;
- aux effets placebos/contextuels, liés notamment à l’utilisation d’un appareil qui fait « scientifique », et dont on a peut-être même entendu parlé à la télé. Appliqué par une personne de confiance, un kiné.
Quels sont les effets des ultrasons ?
Les ultrasons sont utilisés en kinésithérapie pour produire des effets thérapeutiques dans les tissus corporels. Voici quelques-uns des effets des ultrasons :
- Effet thermique : Les ultrasons peuvent produire de la chaleur dans les tissus corporels, ce qui peut aider à soulager la douleur, à augmenter la circulation sanguine et à améliorer la souplesse des tissus.
- Effet mécanique : Les ultrasons produisent des vibrations mécaniques qui peuvent aider à réduire l’inflammation, à améliorer la circulation sanguine et à réduire les spasmes musculaires.
- Effet de cavitation : Les ultrasons peuvent également créer de petites bulles d’air dans les fluides corporels, appelées cavitation, qui peuvent aider à faciliter la guérison des blessures et à réduire l’inflammation.
- Effet de micromassage : Les ultrasons peuvent produire un effet de micromassage dans les tissus corporels, qui peut aider à améliorer la circulation sanguine et à favoriser la guérison.
Les effets des ultrasons dépendent de plusieurs facteurs, tels que la fréquence et l’intensité des ondes sonores, la durée de la séance de traitement et les caractéristiques des tissus corporels traités. Il est important que les professionnels de santé utilisent les ultrasons de manière appropriée pour éviter les effets indésirables tels que la brûlure de la peau, la douleur et l’inconfort.
Quels sont les bienfaits des soins avec des ultrasons ?
L’ultrason émet un signal ultrasonore qui a un effet à la fois mécanique et thermique sur le traumatisme. Avec en théorie un effet défibrosant, antalgique et anti-inflammatoire.
Difficile en un simple article de faire une revue exhaustive de l’ensemble de la littérature internationale consacrée aux ultrasons : on trouve des centaines de publications à ce sujet. Et plusieurs méta-analyses.
Les séances d’ultrasons sont sans danger, mais peuvent comporter certaines contre-indications pour les femmes enceintes ou les personnes possédant des prothèses articulaires.
Voici les conclusions de 3 revues systématiques recensant les preuves de l’effet des ultrasons sur 3 des pathologies pour lesquelles il est le plus utilisé :
- la lombalgie chronique : « Bien qu’il existe des données probantes indiquant que les ultrasons thérapeutiques pourraient avoir un faible effet sur l’amélioration de la fonction lombaire à court terme par rapport au placebo, le niveau de confiance de ces données probantes est très faible » (Cochrane 2020) ;
- les tendinopathies de la coiffe des rotateurs : « Sur la base de preuves de niveau faible à modéré, les ultrasons n’apportent aucun avantage par rapport à un placebo, le laser ou à des conseils, ou lorsqu’ils sont associés à l’exercice. » (Desmeules 2015)
- l’arthrose du genou : « nos résultats suggèrent que le traitement par ultrasons peut être bénéfique pour les patients atteints d’arthrose du genou. Cependant, en raison de la faible qualité des preuves, nous ne connaissons pas avec certitude la magnitude des effets sur le soulagement de la douleur et la fonction. »(Cochrane 2010)
Les données empiriques laissent penser qu’on peut s’attendre potentiellement à un petit effet des ultrasons sur un paramètre comme l’intensité de la douleur : une diminution d’1 à 2 points sur 10, par exemple. Au mieux, et sans pouvoir être certain qu’il s’agisse d’un effet propre aux ultrasons.
Combien coûte un appareil à ultrason ?
Un appareil à ultrasons coûte neuf 1000 à 1500 euros, environ. Il est cependant assez facile de trouver ces dispositifs médicaux d’occasion, via Leboncoin ou les groupes Facebook ou sites de petites annonces entre kinés. Par exemple, à l’heure où est rédigé cet article, il y a plus de 200 offres d’ultrasons à usage (para)médical sur Leboncoin.
Quels sont les avantages à proposer des ultrasons ?
Certains patients viennent clairement au cabinet avec une idée bien précise en tête des soins dont ils ont envie. Et les ultrasons font clairement partie des soins parfois désirés (même s’ils se font détrôner peu à peu par les ondes de choc), ou souhaités par certains prescripteurs.
Certaines personnes sont aussi très demandeuses de soin « passif », centrés sur le traitement antalgique de la zone douloureuse, réalisé à une fréquence élevée. Et peu réceptives à une prise en charge basée uniquement sur la réassurance thérapeutique, l’adaptation de la charge, les auto-exercices…
Dans ce cas, les ultrasons – comme les autres outils de physiothérapie – sont un des moyens de répondre à cette demande. Certains kinés font cependant le choix de s’en passer. D’autres en font un axe de prise en charge, parmi d’autres.
Dans tous les cas, il semble pertinent d’expliquer aux patient(e)s les effets qu’on peut en attendre, et les alternatives possibles de traitement.
Quel est votre positionnement vis-à-vis de l’utilisation des ultrasons ?
Bonjour,
Merci pour cet article bien complet… Voici mon expérience patient.e à propos des ultrasons :
par deux fois (en 1994 et en 2015) j’ai reçu un traitement par ultrasons qui a fait disparaître totalement les symptômes dus à une épine calcanéenne : sensation de « clou dans la chaussure », douleur du talon devenant aiguë à la marche, jusqu’à l’impossibilité de poser le pied.
En 1994 je n’avais pas la moindre idée du traitement en question, je n’avais jamais vu un.e kiné de ma vie. Le médecin que j’avais vu m’avait orientée vers un rhumatologue qui me proposa une infiltration, que je refusai. De retour chez le généraliste, j’ai demandé s’il y avait une alternative. Le médecin a convenu qu’il existait bien « les ultrasons » mais affirma que c’était « fini », que plus personne ne faisait ça. Il a tout de même appelé le kiné devant moi (cela se passe dans une petite ville, il y avait un seul kiné), lequel s’est récrié que si, bien sûr, ça existait, et qu’il le faisait. Nous avons commencé les séances et en effet, non à la première mais à la troisième application j’ai ressenti le soulagement, jusqu’à la guérison complète.
En 2015, dans la ville où je réside actuellement, nouvel épisode douloureux, radio, vérification de la présence de l’épine en question (avec une appellation plus scientifique). Le médecin prescrit 2 choses : la physiothérapie à visée antalgique et les semelles orthopédiques.
Le traitement par ultrasons se fait à l’aide d’une petite machine portative, le kiné est absent de la cabine de soin : il branche la machine, pose les électrodes, règle la puissance selon mon ressenti, la durée, et s’en va. Le soin par ultrasons est de 10 minutes seulement, le reste du temps est consacré à des mouvements en gymnase (étirements, équilibre sur plaque, etc.).
Succès mitigé, les semelles orthopédiques font le travail principal, mais le soulagement intervient tout de même.
Dans ce dernier cas, à quoi l’attribuer exactement ? A la mobilisation de l’articulation, à la position du pied corrigé par la semelle. Quant au petit appareil portatif… ??
Je précise que dans le premier cas, le kiné, présent à la table de soins, manipulait la « douchette » sur le talon, et ce pendant 20 minutes, en passant bien partout : face talon, côtés, en remontant vers la cheville à l’arrière…
La guérison plus complète dans ce premier cas est due selon moi à la manipulation par le kiné qui connaissait visiblement très bien la localisation de cette douleur et prenait le temps du massage et de l’application raisonnée de son appareil de soins.
Dans le 2e cas (soin passif laissé à la seule machine), c’est beaucoup moins probant.
Les kinés d’aujourd’hui (tout.e.s ceux/celles à qui j’ai eu affaire, prennent 3 à 4 patient.e.s en même temps : 2 en cabines en soins passifs « autonomes », 1 au gymnase avec un programme de mouvements exécutés seul.e et 1 en cabine pour un soin véritable. C’est une pratique regrettable qui vise seulement à faire un meilleur chiffre d’affaires mais certainement pas à une meilleure prise en charge.
La doxa d’aujourd’hui, sans doute diffusée en centres de formation, est que la seule mobilisation articulaire guérit les patient.e.s. Je pense, avec le recul d’une expérience multiple et celle de mon propre corps, en surpoids, que c’est faux, ou du moins insuffisant : la mobilisation oui, 100 % oui, mais le soin aussi. Je pense qu’il faut les deux.
Conclusion : selon mon expérience, oui aux ultrasons mais surtout, oui à une kinésithérapie active et déontologiquement honnête.
Le kiné de 1994, qui doit être à la retraite aujourd’hui, était un professionnel honnête.