Kiné et tech : optimiser le suivi des patients connectés
8 juillet 2024 - Techniques et outils
Douleur qui part du cou et descend dans le bras, fourmillements, perte de force… et si derrière ces signes se cachait un syndrome radiculaire cervical ? La radiculopathie correspond à une compression ou une irritation d’une racine nerveuse cervicale, le plus souvent liée à une cervicalgie inflammatoire, une hernie discale ou une sténose dégénérative. La kinésithérapie reste la base du traitement conservateur : moduler la douleur, restaurer la mobilité, redonner de la fonction, rassurer et guider le patient. Certaines solutions instrumentales, comme la thérapie laser (photobiomodulation), sont aujourd’hui étudiées comme compléments possibles pour réduire l’inflammation et faciliter la récupération, à condition de rester intégrées dans un parcours de soins global centré sur la rééducation active.
Le syndrome radiculaire se caractérise par une compression mécanique et/ou une agression chimique d’une racine nerveuse cervicale.
Les principales causes sont : la hernie discale cervicale avec saillie discale comprimant la racine nerveuse, la sténose cervicale (rétrécissement du canal vertébral ou du foramen) et la cervicalgie inflammatoire avec inflammation musculaire ou articulaire entraînant une hypersensibilité radiculaire. Souvent, ces facteurs se combinent sur un terrain de dégénérescence discale, de contraintes mécaniques répétées (postures prolongées, ports de charges, gestes professionnels) et parfois de microtraumatismes.
Le résultat clinique est un tableau associant douleur cervicale et brachiale, paresthésies (fourmillements, engourdissements) dans le territoire radiculaire concerné et, dans les formes plus sévères, faiblesse musculaire ou réflexes diminués.
Dans tous les cas, hernie, sténose et cervicalgie inflammatoire nécessitent une approche kinésithérapique structurée, centrée sur la diminution de la souffrance radiculaire, la restauration de la mobilité et la gestion des contraintes au quotidien.
Le patient décrit le plus souvent une douleur irradiant du cou vers l’épaule, le bras, voire la main, parfois majorée par certains mouvements (extension, rotation, inclinaison) ou par des positions prolongées (travail sur écran, conduite). La raideur cervicale est quasi constante, avec une limitation des amplitudes, en particulier en rotation et en extension. Des picotements, engourdissements ou brûlures peuvent être présents sur le trajet du nerf, et une faiblesse musculaire segmentaire peut apparaître dans les formes avérées.
La majorité des cas évoluent favorablement avec un traitement conservateur. Une amélioration progressive est souvent observée sur 6 à 12 semaines, même si certaines formes chroniques peuvent persister au-delà de 3 mois et imposer une réévaluation, une adaptation du plan de soins et, dans certains cas, une discussion pluridisciplinaire (médecin, rhumatologue, chirurgien).
Les objectifs de la kinésithérapie sont de soulager la douleur, réduire la souffrance radiculaire, diminuer l’inflammation locale, restaurer la mobilité vertébrale et cervico-scapulaire, renforcer la stabilité musculaire et posturale, améliorer la proprioception et prévenir les récidives par l’éducation et l’adaptation des contraintes.
Concrètement, cette prise en charge s’organise autour de plusieurs axes complémentaires.
D’abord, un travail de mobilisations cervicales douces et de thérapie manuelle non forcée permet de restaurer progressivement la mobilité, en respectant l’irritabilité des tissus. Selon la tolérance, des tractions cervicales manuelles ou mécaniques peuvent être intégrées pour soulager la racine irritée, en particulier dans les tableaux franchement mécaniques.
Ensuite, un travail sur la neurodynamique du membre supérieur est parfois indiqué, avec des mobilisations progressives des nerfs dans leur environnement, toujours en respectant la symptomatologie. Parallèlement, le renforcement profond (gainage cervico-scapulaire, stabilisation dynamique) aide à mieux répartir les contraintes sur le rachis et la ceinture scapulaire et à réduire le risque de récidive.
Enfin, un programme d’exercices actifs contrôlés (mobilité, travail en charge progressive, parfois approche inspirée de McKenzie cervical) contribue à restaurer la confiance dans le mouvement, à améliorer la fonction et à accompagner le retour à l’activité professionnelle et de loisir.
La prise en charge inclut aussi un volet d’éducation thérapeutique : explication du diagnostic et du pronostic, stratégies d’auto-gestion (positions de soulagement, organisation de la journée, gestion des poussées douloureuses), aménagements du poste de travail et de certaines activités, conseils sur le sommeil et la récupération.
Dans ce cadre, l’ajout d’une thérapie instrumentale comme le laser peut faciliter certaines étapes, par exemple lorsque la douleur est tellement importante qu’elle limite les mobilisations ou freine l’engagement dans les exercices.
La photobiomodulation repose sur l’application de lumière à des longueurs d’onde spécifiques, via un laser ou des LED, afin de moduler l’activité cellulaire. Les photons sont absorbés par des structures intracellulaires, notamment les mitochondries, ce qui peut augmenter la production d’ATP, influencer l’équilibre oxydatif et moduler certaines voies inflammatoires et nociceptives.
Selon la longueur d’onde, la puissance et le mode d’émission (continu, pulsé, haute intensité, faible intensité), la profondeur de pénétration varie, tout comme le type de tissu principalement ciblé. On distingue globalement les lasers de faible intensité (LLLT) et les lasers de haute intensité (HILT), ces derniers permettant de cibler des structures plus profondes, comme certains tissus périarticulaires cervicaux.
Les effets décrits dans la littérature sont :
Ces mécanismes rendent la photobiomodulation intéressante comme complément dans les cervicalgies inflammatoires et les radiculopathies liées à une hernie ou une sténose, à condition de rester portée par une rééducation active.iculopathies issues d’une hernie ou d’une sténose. L’enjeu pour le kinésithérapeute est de l’utiliser au bon moment, chez le bon patient, et toujours en soutien de la rééducation active, plutôt qu’en substitut.
Au début, l’objectif est de calmer rapidement la douleur et de réduire l’hyperirritabilité radiculaire. La thérapie laser est appliquée sur la région cervicale postérieure (par exemple autour de C5–C7) et sur les zones douloureuses identifiées à la palpation, parfois le long du trajet douloureux. Cette phase vise à préparer les tissus : diminuer la douleur, limiter l’inflammation locale et permettre au patient de tolérer les mobilisations et les premiers exercices.
Lorsque la douleur commence à décroître, la priorité devient la récupération de la fonction. Le kinésithérapeute intègre alors le laser à des séances centrées sur les mobilisations cervicales, les exercices neurodynamiques et le renforcement cervico-scapulaire. Il peut prendre comme repère une fréquence de 2 à 3 séances par semaine avec quelques minutes par zone, mais il ajuste les paramètres en fonction de la présentation clinique, de l’évolution et des recommandations liées au dispositif.
Une fois la douleur stabilisée et la fonction nettement améliorée, l’utilisation du laser devient ponctuelle. Le pilier de cette phase est le programme d’auto-exercices, l’adaptation des postures, la gestion de la charge d’activité et la prévention des récidives. La photobiomodulation peut être conservée comme outil d’appoint en cas de poussée douloureuse ou d’épisode subaigu, mais elle n’est plus au centre du dispositif de soins.
Dans la pratique, le laser peut être appliqué en début de séance, avec une cible antalgique pour faciliter la mise en mouvement, ou en fin de séance, avec une visée plus anti-inflammatoire et de récupération. Le choix dépend du profil du patient, de la stratégie de séance et de la tolérance clinique.
Ince, S., et al. (2024). Clinical efficiency of high-intensity laser therapy in patients with cervical radiculopathy: a 12-week follow-up, randomized, placebo-controlled trial. American Journal of Physical Medicine & Rehabilitation, 103(1), 3–12.
Cet essai randomisé contrôlé compare un laser haute intensité à un laser placebo chez des patients présentant une radiculopathie cervicale. Les auteurs rapportent une réduction significative de la douleur (EVA) dans le groupe laser, accompagnée d’une amélioration de la mobilité cervicale et de la force, avec un maintien des effets à 12 semaines. L’étude suggère donc un bénéfice au-delà du simple effet antalgique immédiat.
Perez, E., et al. (2018). Regression of cervical radiculopathy after laser therapy treatment – case report. Energy for Health, [17].
Ce cas clinique décrit une disparition progressive puis complète des symptômes de radiculopathie cervicale après un protocole de thérapie laser. La douleur et les paresthésies régressent, les paramètres de conduction nerveuse s’améliorent, et aucune récidive n’est observée à court terme. Le niveau de preuve reste faible, mais ce type de cas illustre le potentiel de la technique.
Venosa, M., et al. (2019). Comparison of high-intensity laser therapy and combination of ultrasound treatment and transcutaneous nerve stimulation in patients with cervical spondylosis: a randomized controlled trial. Lasers in Medical Science, 34(5), 947–953.
Cette étude compare un protocole de laser haute intensité à une combinaison ultrasons + TENS chez des patients atteints de spondylose cervicale. Les résultats montrent une réduction de la douleur plus importante dans le groupe laser, une meilleure récupération de la mobilité cervicale et une diminution plus rapide des signes cliniques d’inflammation.
Grennell, M. (2015). Application of MLS® therapy on a disc herniation with radiculopathy: a case study. Energy for Health, [14].
Ce cas clinique présente l’utilisation du laser MLS® chez un patient atteint de hernie discale avec radiculopathie. Les auteurs relatent une régression progressive de la symptomatologie radiculaire, une amélioration de la fonction motrice et une récupération sans recours à la chirurgie.
Ces travaux vont globalement dans le sens d’un intérêt de la photobiomodulation dans les douleurs cervicales et radiculaires. Le tout en rappelant la nécessité d’interpréter les résultats à la lumière des effectifs étudiés, de la méthodologie et du contexte de publication.
Le tableau ci-dessous synthétise la logique d’association entre thérapie laser et rééducation.
| Objectif | Moyens utilisés | Résultats observés |
|---|---|---|
| Soulager la douleur | Laser + mobilisation cervicale douce | Diminution de l’EVA dès 2 semaines |
| Réduire l’inflammation | Laser ciblé + moyens physiques (ex. froid) | Régression de l’œdème tissulaire clinique |
| Restaurer la mobilité | Exercices cervicaux + laser en post-séance | Jusqu’à +35 % d’amplitude cervicale |
| Stabiliser et prévenir | Renforcement + séance de laser espacée | Moins de rechutes à 3 mois |
Le laser n’est pas utilisé isolément, mais articulé avec les mobilisations, les exercices et le renforcement. L’objectif est de faciliter certains paliers. Diminution initiale de la douleur, récupération plus rapide des amplitudes, meilleure tolérance à la progression des exercices, pour permettre au patient de s’engager plus tôt et plus pleinement dans la rééducation active.
Dans un cabinet de kinésithérapie, la photobiomodulation s’inscrit dans un protocole de prise en charge global.
Un bilan initial détaillé est indispensable. Intensité de la douleur (EVA), amplitudes cervicales, force musculaire, signes neurologiques, facteurs aggravants et soulageants, contraintes professionnelles, sportives et personnelles, imagerie éventuelle. À partir de ce bilan, le kiné définit une programmation personnalisée, en précisant la place du laser par rapport aux autres techniques (thérapie manuelle, exercices, traction) selon la cause principale (hernie, sténose, cervicalgie inflammatoire) et le niveau de douleur.
Le suivi objectivé est un point clé. L’utilisation d’un logiciel de cabinet comme Milo permet de tracer les séances, de suivre l’évolution de la douleur, des amplitudes, de la gêne fonctionnelle, et de documenter les progrès (ou l’absence de progrès). Cela facilite la communication avec le patient. Soutient l’adhésion au traitement et rend plus simple les échanges avec le prescripteur en cas de réévaluation.
Les données disponibles et les retours cliniques indiquent souvent :
Les effets indésirables graves restent rares lorsque le praticien respecte les règles de sécurité (protection oculaire, respect des contre-indications, paramètres adaptés).
Mais le kinésithérapeute doit garder plusieurs limites à l’esprit : beaucoup d’études incluent des effectifs modestes. Les protocoles de dose sont hétérogènes, certaines publications dépendent de fabricants. La thérapie laser ne remplace en rien la rééducation active, qui demeure le cœur du traitement.
Ces questions ouvrent la voie à une utilisation raisonnée, mesurée et documentée de la thérapie laser au sein d’une prise en charge centrée sur le patient, la rééducation active et l’expertise clinique du kinésithérapeute.
Pour aller plus loin sur la lecture détaillée de ces travaux et des protocoles associés, il est possible de consulter la ASA Research Library et de croiser ces données avec les recommandations et revues indépendantes récentes sur la douleur cervicale et la radiculopathie.
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