La place des femmes dans les instances professionnelles de la kinésithérapie : où en est-on vraiment en 2026 ?

La place des femmes dans les instances professionnelles de la kinésithérapie : où en est-on vraiment en 2025 ?

En 2026, la kinésithérapie française n’est plus une profession “masculine”. Le rapport démographique du Conseil national de l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes (CNOMK) montre qu’au 1ᵉʳ janvier, la profession compte 55 200 femmes, soit 52,2 % des kinés inscrits au Tableau, contre 50 458 hommes. Le rapport précise aussi que les femmes sont majoritaires dans la profession depuis 2019-2020 et parle d’une profession « jeune et féminisée ». Les femmes travaillent aussi bien en libéral, en mixte, en salariat, en centre de rééducation, en SSR, à l’hôpital. Pourtant, lorsqu’on regarde qui préside les instances, qui siège dans les bureaux et qui porte la voix de la profession auprès des pouvoirs publics, la visibilité de la femme kiné reste encore inégale. L’enjeu n’est plus de savoir si elle a “le droit” d’être là, mais si les structures reflètent vraiment la réalité de la profession.

Une profession où la femme est devenue majoritaire en kiné

Le rapport démographique 2024 du CNOMK indique clairement le basculement : au 1ᵉʳ janvier 2024, 55 200 femmes (52,2 %) pour 50 458 hommes (47,8 %) sont inscrits au Tableau. La section consacrée à la répartition par âge et par sexe insiste sur le fait que les femmes sont majoritaires depuis 2019-2020 et qualifie la kinésithérapie de profession « jeune et féminisée ».

Dans le détail, le rapport montre que la femme kiné est particulièrement présente dans les tranches 25-39 ans, avec une large base de jeunes professionnelles, et qu’en exercice libéral ou mixte, elle représente déjà près de la moitié des effectifs, avec une majorité chez les moins de 40 ans. Autrement dit, si vous regardez l’avenir démographique de la profession, il est clairement porté par la femme kiné.

En parallèle, le communiqué de presse du CNOMK sur la démographie des kinésithérapeutes rappelle que la densité nationale atteint 154,5 kinésithérapeutes pour 100 000 habitants en 2024, avec plus de 100 000 professionnels engagés sur le territoire. Là encore, une part croissante de cette offre de soins repose sur le travail quotidien des femmes kiné, en ville comme en établissement.

➡️ Kiné en France : répartition et chiffres clés 2025

Ce que la loi a changé : un cadre paritaire qui légitime la femme kine

Si la femme kiné a gagné en visibilité dans les instances ordinales, ce n’est pas uniquement grâce aux “bonnes pratiques” : le droit a été modifié pour imposer la parité.

La loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes pose un cadre global pour l’égalité dans la vie professionnelle, la lutte contre les violences et l’accès aux responsabilités. Elle autorise explicitement le gouvernement à prendre des ordonnances pour favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux conseils des ordres professionnels.

Sur cette base, l’ordonnance n° 2015-949 du 31 juillet 2015 relative à l’égal accès des femmes et des hommes au sein des ordres professionnels vient modifier les règles électorales des ordres (dont celui des masseurs-kinésithérapeutes) pour garantir un égal accès aux conseils. Elle impose notamment des dispositifs de type scrutin binominal paritaire, avec des candidats de sexes différents sur un même binôme, afin d’éviter des conseils monogenres.

Un décret n° 2017-319 du 10 mars 2017 précise ensuite les règles concrètes des élections des membres des conseils de l’Ordre des infirmiers et de l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes (composition des conseils, modalités du scrutin, répartition des sièges).

Pour la femme kiné, ces textes sont essentiels :

  • ils rendent juridiquement incontestable sa place dans les conseils de l’Ordre ;
  • ils obligent les équipes en place à composer des listes réellement paritaires ;
  • ils offrent un socle de légitimité à toute kiné qui souhaite se présenter : la parité n’est pas un caprice militant, c’est une exigence inscrite dans la loi.

Ordre, syndicats, CARPIMKO : où en est vraiment la femme kine ?

Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) a analysé l’effet concret de ces dispositifs dans son rapport « Parité dans les chambres et les ordres professionnels : des avancées à bas bruits ». Pour l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes, il montre que, grâce au scrutin binominal paritaire, la part de femmes au Conseil national est passée d’environ 10 % à 50 %. La femme est donc aujourd’hui présente à parité dans l’instance ordinale nationale en kiné, ce qui n’était pas du tout le cas avant la réforme.

Cette évolution se traduit aussi au niveau des personnes. Le 3 juillet 2024, le Conseil national a réélu Pascale Mathieu à la présidence pour un nouveau mandat de trois ans, comme l’indique le communiqué officiel publié sur le site de l’Ordre. Le trombinoscope du CNOMK rappelle qu’elle est kinésithérapeute libérale à Langon et qu’elle occupe des fonctions ordinales depuis de nombreuses années. Le visage public du CNOMK est donc celui d’une femme, ce qui envoie un signal fort aux praticiennes qui hésitent encore à s’engager.

Une parité affirmée à l’Ordre, mais encore floue ailleurs

Dans certains syndicats de masseurs-kinésithérapeutes, les informations publiques permettent d’identifier la composition du bureau national (présidence, secrétariat général, trésorerie, vice-présidences), mais ne détaillent pas toujours la répartition femmes-hommes au sein de ces instances. On sait qui occupe les fonctions, néanmoins on ne dispose pas systématiquement de données chiffrées sur la place réelle des femmes dans les organes de direction.

Du côté de la représentation retraite des auxiliaires médicaux libéraux, la composition du conseil d’administration est généralement présentée par collèges professionnels (infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, orthophonistes, orthoptistes, pédicures-podologues). Là encore, il est possible d’identifier les administrateurs par profession, mais les informations publiées ne précisent pas toujours la répartition femmes-hommes, ni à l’intérieur des collèges ni au sein du bureau.

Le HCE souligne précisément que cette absence de données genrées systématiques constitue un frein : sans statistiques régulières sur la composition des instances, il devient difficile de mesurer l’effet réel des dispositifs de parité et de suivre la progression de la représentation des femmes. C’est ce que l’on observe pour la femme kiné dans plusieurs structures représentatives : sa présence existe, mais elle reste peu lisible, donc difficile à objectiver et à faire progresser.

Obstacles et leviers : pourquoi la femme kiné n’est-elle pas partout à sa juste place ?

Le HCE décrit plusieurs freins récurrents à l’accès des femmes aux responsabilités dans les chambres et ordres professionnels : auto-censure, articulation des temps de vie, poids des réseaux existants. Ces freins parlent très directement de la réalité de la femme kiné, qui jongle déjà avec une charge professionnelle et personnelle souvent dense.

Le premier frein est psychologique et culturel : beaucoup de professionnelles se sentent “pas assez légitimes” ou “pas assez expertes” pour se présenter, surtout face à des collègues déjà habitués aux réunions, aux textes et aux négociations. Les discours et les codes de la profession renvoient facilement à la femme kiné qu’elle est “faite pour le soin” plutôt que pour la “politique professionnelle”, alors même que son expérience de terrain apporte une valeur décisive aux décisions collectives.

Des freins individuels… mais surtout structurels

Le deuxième frein est matériel : concilier soins, administratif, vie familiale et mandat est objectivement difficile. Quand les URPS, les syndicats ou les conseils programment leurs réunions en soirée ou le week-end, loin du cabinet et sans compensation claire, ils écartent de fait les kinés, qui portent déjà une lourde charge au travail et à la maison, et les empêchent d’entrer dans le jeu, même lorsqu’ils sont motivés.

Le troisième frein concerne les réseaux et la culture interne des organisations. De nombreuses structures fonctionnent encore sur des cercles militants ou corporatistes relativement fermés, où les codes sont implicites et se transmettent entre “habitués”.

Pour dépasser ces obstacles, la profession dispose déjà de leviers concrets : publier des données genrées dans les rapports et organigrammes, adapter les horaires et formats de réunion (visioconférence, créneaux compatibles avec la vie familiale), construire de vrais parcours d’accueil et de mentorat pour les nouvelles élues, et intégrer la question de la représentation professionnelle dès la formation initiale. La progression de la femme kiné dans les instances n’est donc pas qu’une affaire de “volonté individuelle” : c’est aussi un choix d’organisation de la profession.

En résumé

Aujourd’hui, les chiffres sont clairs : les femmes constituent la majorité de la profession, particulièrement parmi les plus jeunes, et elles occupent désormais la moitié des sièges au Conseil national de l’Ordre, présidé par une kinésithérapeute. C’est le résultat d’un cadre légal fort (loi de 2014, ordonnance de 2015, décret de 2017) et d’un travail de fond sur la parité dans les ordres.

En revanche, dans les syndicats, les URPS et à la CARPIMKO, la place de la femme reste moins lisible et probablement en retrait par rapport à son poids réel dans la profession, faute de données genrées publiques et de dispositifs aussi structurants que pour l’Ordre.

La prochaine étape, si nous voulons vraiment aligner les décisions sur vos honoraires, votre démographie, votre retraite ou votre charge administrative avec la réalité du terrain, consiste à transformer toutes les instances où se construit l’avenir de la kiné pour qu’elles reflètent enfin la profession telle qu’elle est aujourd’hui : une profession portée, en grande partie, par la femme kiné.

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